Jacob Melki est un vrai gosse, du moins il lest resté. À 19 ans, ce gamin tendre et gai de Constantine aime lire Hugo, Balzac, Flaubert et chanter Piaf. « Il parle français comme un Français ».
Petit dernier, venu sur le tard bien longtemps après ses frères Alfred, Isaac et Abraham , il est couvé damour pas sa vieille mère Rachel. Car Jacob est né après un autre Jacob, son frère aîné emporté à lâge de trois ans à la suite dune fièvre. Jacob le second en est doublement vivant et doublement aimé de Rachel, il est deux fois son fils, deux fois Jacob : Jacob, Jacob.
Lorsquil est mobilisé pour partir à des milliers de kilomètres de chez lui, afin de libérer la France et se battre, ce nest pas quà lAlgérie, sa terre natale, quon larrache mais à son enfance et au cur déjà brisé de sa mère. Lironie de lHistoire veut que pendant deux ans, en 41-42, lui qui aimait tant apprendre, avait été rejeté du lycée dAumal de Constantine car les juifs étaient considérés sous Pétain comme des indigènes, impropres à recevoir un enseignement. Et là, alors que les Américains viennent de débarquer en Normandie, la France « le juge suffisamment français pour porter luniforme de son armée, il est lavé de la honte davoir été chassé de lécole ». Déraciné à des milliers de kilomètres de chez lui, devenu le matricule 4593001073, il va inlassablement se bercer de son prénom quil se répète dans sa tête comme une litanie pour ne pas perdre son identité, ne pas tomber dans loubli « Jacob, Jacob, Jacob ».